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transmediterranee.over-blog.com

Bienvenue sur transmediterranee.over-blog.com C'est un espace de communication inter-culturel et inter-spirituel dans l'optique d'ouvrir le champ de vision mental et spirituel sur toutes les différences, en particulier de part et d'autre des deux rives de la Méditerranée. Que notre "mare nostrum" nous rapproche dans l'extraordinaire diversité de la grande famille humaine.

HOMMAGE A CATHERINE DELORME

Il y a juste trente ans décédait à Rabat, en février 1991, à l’âge de 90 ans, Catherine Delorme, maître soufie affiliée à la voie Tidjaniyya, seule femme européenne à avoir réaliser le but ultime de la quête spirituelle dans le soufisme, au cours d’un itinéraire unique en son genre. C’est après avoir étudié, en autodidacte, toutes les religions, qu’elle découvre dans l’Islam d’Afrique du Nord, auprès des grands maîtres de la Voie, la dimension mystique qu’elle recherchait. Hommage à une grande figure méconnue du soufisme, à sa foi inébranlable et à son profond amour pour l’Islam, son Prophète (SAS) et toutes les créatures.

I- UN LONG CHEMIN DE PATIENCE

D’origine sicilienne, Catherina Maltese est née à Palerme, en Sicile, au tout début du siècle dernier, dans une famille catholique, qui émigre en Afrique du Nord peu de temps après sa naissance. C’est en Tunisie, en Algérie, puis au Maroc qu’elle passera une grande partie de sa vie, qu’elle épousera un médecin, Ivan Delorme, qui lui donnera la nationalité française, et qu’elle réalisera sa vocation mystique. Dès l’enfance, à Alger, des dons surnaturels apparaissent, déchaînant les moqueries de cette « nouvelle Jeanne d’Arc ». De la pucelle d’Orléans, elle avait la foi profonde et la confiance absolue dans la « petite voix », la voix du cœur. Mais elle se sentait en total décalage avec la réalité : « le monde m’apparaissait semblable à ces beaux fruits appétissants dans lesquels…on découvre que le cœur est rongé par un ver. » Comment l’homme, créé à l’image de Dieu, peut-il se comporter ainsi ? Puisque le Christ avait commandé « soyez parfaits comme mon Père céleste est parfait », il fallait à tout prix atteindre cette perfection.

L’étude approfondie de toutes les traditions

Une fois ses devoirs sociaux accomplis, elle se plongeait dans l’étude des grandes traditions de l’humanité. Les livres étant rares à cette époque dans ce domaine, il fallait une très grande motivation pour se les procurer. Catherine Delorme, qu’on appelait Mamita, en avait à revendre. Aucun obstacle ne pouvait l’arrêter dans sa soif d’apprendre, de découvrir, et de méditer sur « le Chemin de Dieu », titre de l’ouvrage qu’elle publiera à Paris 1979, un précieux témoignage de son vécu initiatique. L’obstacle majeur était la réprobation de son mari qui voyait d’un bon œil qu’elle ait un intérêt intellectuel pour les religions, mais sans aller jusqu’à l’expérimenter. Il lui fallut « mettre la dévote en sommeil » pendant de longues années et acquérir « cette maîtrise de soi sans laquelle la vie en société serait impossible ».

Eprise d’Absolu, Mamita n’avait pas de barrières, ni de limites dans sa quête. Sachant que toutes les religions sont des chemins qui gravissent, chacune à leur manière, un sentier qui mène au sommet où toutes se rejoignent, aucune n’était négligeable. L’Islam, la religion du pays où elle vivait, fut la dernière à lui être révélée à cause du « manque total d’ouvrages arabes traduits en français, traitant de cette tradition islamique ». Elle s’était fait des amis parmi des nomades pratiquants qui vivaient de manière rudimentaire, et trouvait auprès d’eux la paix qui lui faisait défaut dans les cercles mondains. Ils la nommaient affectueusement « Messaouda ». Ceci malgré la séparation qui régnait alors entre les deux mondes, Européens d’un côté et populations autochtones, musulmanes et juives de l’autre. Mais ses questionnements restaient inassouvis : « ce n’étaient là que des miettes d’un festin auquel je désirais prendre part… »  L’Islam allait faire irruption dans sa vie, de manière tout à fait inattendue.

Ce fut d’abord au cours d’un rêve où elle se vit emmenée au Hajj par Alî, un de ses amis du douar : « Nous nous trouvions à l’intérieur de la Kaaba. Alî et moi étions accroupis dans le coin, à l’angle droit, serrés l’un contre l’autre… Je restais tranquille, consciente de l’extraordinaire privilège… ». Ce pèlerinage vu en rêve, Mamita l’accomplira plus tard, par deux fois, en 1967 et 1968.

            La shahada

             « Le plan du Grand Architecte est parfait, on ne se meut pas, on est mûs », disait-elle. C’est en se promenant dans la Médina de Sfax, que cette femme occidentale, l’épouse du toubib, est frappée par la vision d’un marchand arabe en train d’égrener son chapelet : « Je m’arrêtais, subitement figée…Une lumière intérieure éclairait son beau visage qui me semblait familier. » Répondant à son invitation et à son questionnement, elle lui fait part de son désir d’avoir son chapelet et de connaître sa prière : « N’est-ce pas une prière que tu adresses à Dieu ? Et ton Dieu n’est-il pas aussi le mien ? » Elle prononce alors la shahada devant Ben Diffallah qui lui remet le chapelet, avec l’injonction de faire la fédia, le prix offert à Dieu par le pécheur pour le rachat de son âme : une centaine de mille de lâ ilha illallâh, le témoignage de l’Unicité divine.

            L’incroyable faveur divine

            Il lui fallut trois mois pour achever la fédia, en cachette de son mari. Suivant les recommandations de Ben Diffallah, et dans les conditions de pureté requises, elle se prépare à recevoir l’approbation divine, qui prend la forme d’un rêve prodigieux : elle se voit sale, déguenillée, affamée, dans une ville arabe ancienne, se dirigeant vers une porte pour trouver un asile. Quand elle se rend compte qu’elle est dans une mosquée, interdite aux non-musulmans, elle rase les murs et, relevant la tête elle aperçoit « sur un tapis déployé dans l’air… Mohammed, l’Envoyé de Dieu…Il était couvert d’un manteau qui donnait à sa silhouette la forme d’un triangle allongé au sommet duquel apparaissait son visage, comme un joyau merveilleux. La perfection de ses traits était mise en valeur par le contraste harmonieux de la blancheur nacrée de son teint, la roseur pudique de ses pommettes, le rubis de ses lèvres, le noir de jais de ses yeux, de l’arc de ses sourcils et de sa barbe. Cette beauté était idéale, surhumaine. » Le Prophète (SAS) l’invite alors à prendre place à sa droite, immense privilège, et la revêt d’une robe resplendissante, incrustée de pierres précieuses, comme son manteau. Le marchand qui désirait ardemment cette grâce divine est ému aux larmes : « Tu rentres à peine dans l’Islam et te voilà favorisée d’un rêve exceptionnel. Tu es une Hourria ! »

            Un messager extraordinaire

            Les faveurs divines se succèdent dans la vie de Mamita qui poursuit sans relâche, dans le sillage des Malâmatis[1], son combat impitoyable contre l’âme charnelle (nafs) et son désir de connaissance, non pas de la lettre, mais de l’esprit. En proie à la perplexité, elle adresse des prières ferventes à Dieu afin d’y parvenir.

La réponse lui vient sous la forme d’une vision, qui lui sera confirmée dans la réalité : le Khidr, l’initiateur des prophètes et des saints, lui apparaît dans son rêve sur la colline familière où vivent les bédouins, pour lui transmettre un message au-delà des mots, dans le « parler-muet » des initiés. Le lendemain, alors qu’elle est en train de raconter son rêve à une amie du douar, « il surgit devant nous, dans la réalité…Tout se passa d’une manière absolument identique à celle du rêve…Les femmes du douar accouraient vers lui pour lui demander sa baraka…Il bénit les enfants, les malades, exauça les vœux secrets et … disparut ainsi qu’il était apparu. » Mamita devait rencontrer encore deux autres fois ce mystérieux personnage au cours de sa vie, notamment à Marrakech, où il lui livrera un grand secret initiatique.

            Rencontre avec le premier guide spirituel

            De 1930 à 1944, Mamita séjourne au Maroc, dans le bled, où son mari s’occupe d’un dispensaire. Après le décès de celui-ci, elle s’installe à Casablanca et se plonge dans l’étude des lettres et des chiffres de la kabbale hébraïque, qui lui semblait familière, bien qu’elle eut conscience qu’il lui manquait la clef pour pénétrer le secret du chiffre neuf. Constatant les limites des études livresques dans ce domaine, elle se mit en quête d’un maître spirituel, suivant en cela le conseil de René Guénon, « le plus grand métaphysicien du siècle » qui « lui avait rendu un service inestimable » estimait-elle, en insistant sur la nécessité d’un guide spirituel.

Un jeune étudiant lui parle alors de Gabsi, qui, pensait-il, saurait satisfaire son aspiration. Elle fit sa connaissance au cours d’une réunion de la Société Théosophique : « Sa présence remplissait l’espace, devenait imposante, écrasante. J’étais vaguement consciente qu’un événement capital se déroulait dans une sphère supérieure… »

Dès lors, Gabsi, surnommé « l’Ibn ‘Arabî de son temps », se rend tous les soirs chez Mamita pour lui enseigner les Futûhât (Illuminations de la Mecque) d’Ibn‘Arabî, un « ouvrage exceptionnel traitant des problèmes les plus abstraits de la théologie…tout ce qui avait été l’objet de mes études pendant des années », ainsi que le Coran.

            Une vocation islamique

            « Le Coran est un livre fermé » disait-elle, « il m’était resté lettre morte durant de nombreuses années ». Un soir, Gabsi prend une traduction du Coran en français et, l’ouvrant au hasard, commence à lire à voix haute la sourate al-Rahman. La question lancinante « Lequel des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » déclenche en elle « un remous semblable à celui de la marée montante, dont les vagues étaient la même réponse d’amour et de reconnaissance à cette question… La connaissance des réalités éblouissait ma conscience… ». C’est une véritable révolution intérieure qui s’opère en elle pendant la lecture de la sourate, à tel point que Gabsi renonce à son scepticisme et reconnait « l’illumination, l’ouverture sur les pas de Mohammed… ». Elle reconnaîtra cette expérience spirituelle comme la preuve de sa vocation islamique.

Durant trois années, Gabsi lui enseigne peu à peu les fondamentaux de l’Islam et l’exerce à une dure ascèse soufie pour l’éprouver : « il ne pouvait supposer qu’une femme, étrangère de surcroît, réussirait là où la plupart des hommes échouaient ». Mais tous les obstacles rencontrés ne faisaient qu’accroître sa détermination. Grâce à ses efforts, elle parvient à maîtriser le sommeil et l’usage superficiel de la parole vaine. L’œil du cœur parvient à lui faire voir la Réalité. A chaque lecture d’Ibn ‘Arabî, le Prophète (SAS) lui apparaît, en superposition sur la figure de Gabsi : « le visage brun et le costume sombre de Gabsi s’évanouirent, recouverts par la forme d’une blancheur éclatante de l’être de Lumière du Prophète Mohammed (SAS). Son visage d’une douceur ineffable me considérait avec bienveillance. »

 

            L’entrée officielle en Islam

            En 1950, après le départ de Gabsi pour la France, les expériences mystiques et les visions de Mamita se multiplient. Désireuse d’officialiser son entrée en Islam, elle cherche à rencontrer le Cadi Zemmouri, à Casablanca, mais c’était sans compter sur le contrôle des autorités civiles du Protectorat français, qui ne voyaient pas les conversions d’un très bon œil. Avec le temps, et des circonstances favorables, l’acte est signé et attesté par un professeur de la Qarawiyyin de Fès, le Chérif Scali, et le Cadi de Safi, « réputé pour sa droiture et ses connaissances coraniques ». Le Cadi choisit de la nommer « Hidayat Allah », un nom rare pour une femme, le Nom divin étant habituellement réservé aux hommes.

Quelques jours plus tard, sommée de s’expliquer devant le Commissaire de police, elle réplique : « J’ai la certitude de ma vocation. Je manquerais de loyauté en conservant l’appartenance à une religion alors que j’en pratique une autre qui m’a donné toutes les possibilités d’ordre ésotérique et initiatique qui me conviennent ». Mamita affirmera toujours qu’elle n’avait rien abandonné, l’Islam étant un rappel des religions antérieures.

 

II- RENCONTRE AVEC LES MAÎTRES DE LA VOIE

            Le cheikh Tadilî

            Dans sa grande humilité, Gabsi ne se considérait pas comme un maître, mais plutôt comme un « upa guru » celui qui précède le maître. Mamita désirait ardemment entrer officiellement dans le soufisme, le cœur de l’islam, en se rattachant à une lignée initiatique authentique, remontant jusqu’au Prophète (SAS).

Sa réputation commençant à se répandre, le cheikh Tadilî de Mazagan, un des derniers maîtres de la tariqa Shâdhiliyya/Darqawiyya, âgé de 93 ans, aveugle, paralysé et à moitié sourd, la fait venir auprès de lui : « De sa personne, il émanait une grande dignité. Dès que je le vis, une pulsion soudaine me précipita à ses pieds, avec une exclamation de bonheur… Je le reconnaissais ! De même que j’avais reconnu Gabsi… ». Elle viendra régulièrement auprès de son Cheikh, son amour pour lui s’intensifiant, jusqu’à parvenir à l’intimité spirituelle avec lui, par-delà les obstacles de la vue, de l’ouïe, et de la langue. « Je connaissais suffisamment le dialecte marocain et les termes techniques du soufisme pour me faire comprendre » disait-elle.

            L’istisqa exaucée et l’initiation

            Fermé de l’extérieur, le milieu soufi est largement ouvert de l’intérieur. La renommée de la « faqira » européenne du cheikh Tadili lui vaut des invitations chez les foqaras.

A Casablanca, chez un ami fakir, en plein mois d’août, sous une chaleur accablante, elle aperçoit par la fenêtre une procession pour demander la pluie : « la foule marchait d’un pas accéléré, les bras levés au ciel, en invoquant l’assistance divine… ». Persuadée qu’elle avait le pouvoir d’être exaucée, son hôte l’interpelle : « Pourquoi ne fais-tu rien ? »

Considérant que ce sont les « menstrues du soufisme » Mamita ne s’intéressait guère aux petits pouvoirs, mais devant son insistance, elle dut s’exécuter pour tenter d’empêcher la famine. Elle monte alors sur la terrasse, et, son chapelet à la main, elle exécute des milliers d’istisqa sous un soleil incandescent. Plongée dans ses invocations, elle perd toute notion du temps, jusqu’à ce que la terrasse soit totalement inondée.

Connaissant le profond désir de Mamita d’être initiée, son hôte lui réserve un jour une surprise : il invite à dîner le Cheikh Bel Habib de Meknès, avec une quinzaine de foqaras.

Après le dîner, sur le coup de minuit, le Cheikh semblant s’être ravisé, dépitée, elle se prépare à partir quand il entre dans la pièce : « Je ne voyais plus le Cheikh imposant, je me trouvais en présence d’un époux aussi tendre que fort, dont j’étais la femme capricieuse qu’il traitait avec une aimable indulgence ». Alors, sa « lampe étant huilée, sa mèche propre, il n’eut plus qu’à l’allumer » et il lui donna l’initiation tant espérée.

            Séjour à la Zawiya de Mostaganem

            Les visions, les prémonitions, les guérisons se multiplient, malgré son désintérêt pour le tasarruf (pouvoir initiatique de certains initiés). Désireuse avant tout d’augmenter les véritables connaissances spirituelles basées sur l’expérience, elle cherche à entrer en khalwa (retraite) auprès d’un maître. Son souhait étant parvenu de manière providentielle au Cheikh Adda Ben Tounès, de la tariqa Darqawiyya/‘Alawiyya, à Mostaganem, elle s’y rend en plein Ihtifal (grande fête donnée à l’inauguration d’une nouvelle zawiya). C’est parmi la multitude des foqaras, qu’elle est accueillie par le Cheikh : « Il semblait attendre mon arrivée et me reçut comme un membre de sa famille spirituelle, me témoignant même une certaine estime… ». Durant son séjour à la zawiya elle est logée dans une grande pièce très haute de plafond, équipée d’un matelas à même le sol. C’est avec une grande émotion qu’elle apprend qu’on lui a réservé la chambre du fondateur de la tariqa, le Cheikh al-‘Alawî. Elle a l’honneur d’être présentée à Emile Dermenghem, dont elle appréciait « La Vie de Mahomet », mais surtout d’admirer le Cheikh, dont le visage la fascinait : « j’y découvrais, comme dans un livre ouvert, un trésor de vertu, d’amour, de patience et de sincérité qui, par sa réserve pudique, imprégnait ses traits d’une douceur plus impressionnante qu’une fière assurance ». Tous les jours, il vient lui rendre visite pour un long entretien, mais sans que se précise l’éventualité de la retraite. Elle recevra finalement l’autorisation, mais après un séjour à la zawiya de Tlemcen et pour une retraite « à emporter avec elle », soit en s’isolant dans sa chambre à son retour au Maroc. Au moment du départ, elle reçoit en cadeau trois objets de la part du Cheikh, symboles de son union spirituelle avec lui.

            Le point culminant de la quête

            De retour chez elle, elle s’apprête à passer la dernière épreuve décisive, animée d’un amour et d’une foi indéfectibles et bien décidée à vaincre, certaine d’être à même de mener seule, sans secours extérieur, son ultime combat : « J’étais stimulée par la difficulté et de plus en plus déterminée à la surmonter ». Cependant, la répétition du Nom suprême, lui parut ardue : « il sortait de ma poitrine et s’arrêtait dans ma gorge quand je voulais le pousser sur mes lèvres ». Loin de se décourager, au contraire, stimulée par la difficulté, c’est au cours de la troisième nuit qu’elle « trouve un accord entre l’émission du Nom et du souffle ».

Au cours de la quatrième nuit, elle acquiert la maîtrise totale du rythme et l’incroyable se produit : « Soudain, le dikhr s’éteignit sur mes lèvres avec mon souffle, et je disparus, effacée par la magnificence de la Présence. Quand je revins à moi, j’entendis l’énoncé des Attributs de la Perfection Suprême et ne vis que la Lumière : tout avait disparu… sauf cette lumière essentielle, glorieuse…Mon cœur ne battait plus… Je me sentais indigne d’une récompense aussi magnifique ».

Doutant malgré tout de la possibilité d’avoir atteint la Réalisation, l’extinction dans l’Essence divine, appelée fana’ fi llâh, elle renouvelle l’expérience une cinquième nuit et, à nouveau, « tout disparaît sauf  Sa Face ». Elle eut alors la certitude d’avoir remporté la victoire décisive de son existence, ce qui lui fut confirmé par le Cheikh Tadili, et par le Cheikh Bel Habib. Plus tard, en 1963, Mamita reçut une confirmation officielle, lors d’une réunion solennelle dans une zawiya darqawiyya, où un représentant de l’autorité religieuse la proclame devant trois mille personnes « Arifa bi’llâh, Connaissante par Dieu ».

            La transmission spirituelle

Son parcours spirituel est jalonné de rencontres avec des maîtres de la Voie ; elle disait avoir reçu la baraka de douze maîtres, dont celle du Cheikh d’un petit village près de Nouasseur, qui avait rêvé d’elle, et dont elle fut « la dernière à boire l’eau de son puits ».

 Mais elle partageait avec le Cheikh Tadili, son premier maître, une intimité particulière. Malgré sa grande perspicacité, elle ne se doutait pas de ce qui allait lui advenir quand des disciples du Cheikh viennent la voir pour lui demander de sa part, de lui fabriquer un fauteuil roulant. Alors qu’elle en trace le dessin sur une feuille, elle se sent investie par le Cheikh : « il se coulait en moi comme si mon corps était le siège…Je m’entendis ensuite parler avec une voix qui n’était pas la mienne, mais la sienne. » Sa voix et ses gestes restent ceux du Cheikh durant plus d’une semaine jusqu’à ce qu’on vienne lui annoncer le décès de celui qui disait à ses disciples « Qui la voit me voit ».

Plus tard, sur ordre du Prophète (SAS), Mamita fut rattachée à la tariqa Tidjaniyya[2]. Son livre « Le Chemin de Dieu[3] », écrit à la demande de ses maîtres, s’arrête là. Elle avait l’intention d’en écrire un autre sur son expérience du baqa’, le retour parmi les créatures, mais son vœu n’a pas pu être exaucé. Jusqu’à la fin de sa vie, elle reçoit de très nombreux visiteurs, en quête spirituelle. Elle aurait fait entrer en Islam plus d’un millier d’Occidentaux. Elle repose à Rabat, au cimetière des Martyrs, où sa tombe est visitée par des pèlerins venus de toutes parts.

lien vers le livre audio "le Chemin de Dieu" lu par Camouline https://youtube.com/playlist?list=PLY_trSL4BiWK6AZDKEPF7Gnxb9JgJFT8j

[1] Les Gens du blâme

[2] Fondée par le cheikh algérien Ahmed Tidjanî (m.1815 à Fès), sur ordre du Prophète,

[3] Catherine Delorme, Le Chemin de Dieu, Albin Michel, 1979.

« Radioscopie » entretien de Jacques Chancel avec Catherine Delorme,1980, archives INA.

Rachel et Jean-Pierre Cartier Femmes de Lumière, la Table Ronde 1991.

 

 

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